mercredi 15 mars 2000

Peau d'âMe au Théâtre du Guichet Montparnasse

Spectacle créé en 1999 et repris en 2000 au théâtre du Guichet Montparnasse à Paris


Après un séjour de 15 mois dans le ventre de sa mère où il découvre et dévore les contes de fées, le héros arrive au monde dans un milieu hostile où il n’est pas aimé. Arrivé au seuil du royaume de la nuit, le Garçon doré doit raconter sa vie parce que c’est la règle avant de mourir. Pour échapper à la réalité, il s’invente un univers où les personnages des contes se mêlent aux figures de son entourage…




Affiche créée par Gilbert Zalc, directeur artistique pour l’Orchestre national d’Île-de-France de 1986 à 1989, puis graphiste indépendant au service de nombreuses villes (Argenteuil, Vincennes, Trouville, etc.), Gilbert Zalc fut enseignant pendant plus de 12 ans, s’impliqua en tant qu’administrateur et secrétaire général dans le Syndicat national des graphistes au début des années 1990.



Entretien avec l’auteur et l’acteur
  
BENOIT GAUTIER, auteur et metteur en scène

BAFDUSKA Théâtre L'idée de Peau d'âMe vous est venue comment ?
Benoit Gautier C'est grâce à l'initiative d'Annie Vergne, directrice du Guichet Montparnasse. Elle aimait ce qu'elle avait déjà vu de BAFDUSKA et a proposé à la compagnie de monter une nouvelle pièce. Elle a découvert le spectacle en même temps que le public. C'était quand même gonflé de sa part. Une telle confiance est assez rare de nos jours... Merci Annie ...

BT Vous attachez une grande importance aux mouvements et aux lumières dans vos spectacles. Et plus encore dans Peau d'âMe...
BG Le personnage évoque ce qu'il fait et ce qu'il pense. Les ambiances sont donc là pour privilégier et entretenir le suspense. Je désirais des éclairages tirant vers le rouge sang et le bleu nuit pour les contes de fées conçus comme des tableaux vivants un peu gothiques. Les touches de blanc soulignent la froideur de la réalité. Quant aux mouvements, leur franchise s'imposait parce que le Garçon doré est un petit bonhomme tabassé par la vie mais qui, malgré les coups qu'il reçoit, se relève et continue à crapahuter de plus belle comme un héros de dessin animé.

BT La bande sonore qui est utilisée de façon très cinématographique semble indispensable à vos créations en général...
BG Tous ces morceaux excitent ma fibre sentimentale. Ces compositeurs d'univers si différents deviennent tous complémentaires comme par magie. Les faire vivre côte à côte est un de mes grands bonheurs. J'aime l'éclectisme.

BT Pourquoi le choix des contes de Perrault ?
BG Parce que c'est un auteur formidable. Il privilégie les personnages sans pour autant délaisser l'action et le tout est d'une justesse psychologique sidérante. Il tire chaque situation jusqu'a l'extrême dans une concision qui m'épate. Ses contes à l'origine n'étaient pas du tout écrits pour les enfants mais à ses maîtresses le plus souvent. C'était sa façon à lui de régler ses comptes sentimentaux.

BT Les adaptations des contes choisis demeurent très fidèles dans leur forme aux originaux. Pourquoi ?
BG Je ne trouve pas ça très intéressant de mettre un héros de Perrault dans une HLM Je préfère le laisser dans son château. C'est beaucoup plus romanesque. D'ailleurs, tout le récit n'est pas vraiment daté. Le Garçon doré vit de nos jours, parle comme aujourd'hui mais son histoire demeure intemporelle, Cela dit, les contes dont il s'empare sont complètement transformés puisqu'il s'identifie à l'un des personnages de chaque histoire.

BT Le personnage est quelque peu mythomane, non ?
BG Il s'évade plutôt dans ses rêves pour fuir une réalité qui ne lui fait pas de cadeau. Tout le monde fonctionne plus ou moins comme ça. Les rêves sont faits pour ça, non ?... Le Garçon doré maquille la vérité mais Peau d'âMe parle plus de la mémoire que du mensonge... De la mémoire mais avec toute la subjectivité, la déformation et les oublis que cela suppose...

BT Vous travaillez souvent avec Sylvain Savard, pourquoi ?
BG Il possède une présence stupéfiante sur scène, Je ne l'ai jamais vu en flagrant délit de vanité, Il est capable de passer de la douceur à la violence en un rien de temps. Et puis son physique offre un contraste très poétique : son front lunaire et ses yeux clairs contrarient son corps robuste, terrien, très physique... C'est très palpitant d'écrire pour lui parce qu'on sait qu'il hissera la partition proposée vers quelque chose de rare, de mieux. Il possède une grande humilité.

BT L'humour dans Peau d'âMe, est beaucoup plus sombre que dans vos autres créations. D'où vient ce changement de style ?
BG L'ironie est quand même souvent un paravent qui protège de la mélancolie... Oui, la dérision, l'humour, même noir, arrondissent les angles de la douleur et du chagrin.

SYLVAIN SAVARD, comédien

BAFDUSKA Théâtre Peau d'âMe a été créé pour vous. Qu'avezvous ressenti à l'idée de jouer un rôle écrit "sur mesure" ?
Sylvain Savard C'est une grande responsabilité qui fait peur, même si c'est très gratifiant. Pour se montrer digne d'une telle marque de confiance, il vaut mieux être humble.

BT Avez-vous participé à l'écriture du spectacle ?
SS Non, pas vraiment. Benoit m'a proposé un premier jet. Tout était déjà là sur papier, mais en travaillant, il y a eu des coupures, des changements pendant les répétitions Il fallait que je m'adapte au texte, que le texte se plie aussi à moi, parfois. Cela a demandé pas mal de malléabilité, mais avec Benoit, c’est possible. Même au bout de plusieurs semaines, voire plusieurs mois de représentations, il peut changer des morceaux entiers de texte. C'est parfois déstabilisant, mais au moins, cela a l'avantage d'être toujours vivant.

BT Qu'attendez-vous d'un metteur en scène ?
SS Qu'il me mette en confiance. Avec Benoit, je me connais davantage car lui et moi avons eu déjà plusieurs rendez-vous professionnels depuis plusieurs années. Benoit est est très à l'écoute du comédien. Il comprend leur vulnérabilité. Ces qualités me donnent confiance en moi.

BT Le Garçon doré est un drôle de personnage.  Comment le définiriez-vous ? 
SS Au début, c'est un gamin non désiré qui arrive dans une famille nombreuse. Il se blinde contre ce refus d'exister que lui imposent ses parents, ses soeurs et surtout son frère aîné. Il se crée donc un monde imaginaire qui l'aide à tout supporter. Sa façon de vivre est assez poétique. Il est isolé mais il n'est pas seul grâce aux livres qu'il lit, aux films qu'il aime et à tous les personnages auxquels il s'identifie. Mais il court toujours après l'amour des autres. Il a une soif d'amour incommensurable.

BT Pensez-vous que le Garçon doré vous ressemble ?
SS Non. C'est un personnage. Je dois pourtant avouer que quelques anecdotes et situations m'appartiennent dans le spectacle. Avec les auteurs, il faut toujours se méfier; ils sont tous un peu vampires ! Mais après tout, vive les vampires s'ils sont des orfèvres du verbe comme Benoit.


Photos Olivier Bellili




Presse




Extrait réalisé par Karine Balland